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Fable de Jean de la Fontaine

 LE CHIEN ET LES CHACALS  

Du coquin que l'on choie, il faut craindre les tours   

Et ne point espérer de caresse en retour 

Pour l'avoir ignoré, maints nigauds en pâtirent. 

C'est ce dont je désire, lecteur, t'entretenir. 

Après dix ans et plus d'homériques batailles, 

 de méchants pugilats, d'incessantes chamailles,

Un chien était bien aise d'avoir signé la  paix

 avec son voisin, chacal fort  éclopé

 Qui n'avait plus  qu'un œil, chassieux de  surcroît,

Et dont l'odeur, partout,  de loin le précédait.

Voulant sceller l'événement

et le célébrer dignement,

 Le chien se donna grande peine

 Pour se montrer doux et amène.

 Il pria le galeux chez lui, 

le fit  entrer, referma l'huis,

 L'assit dans un  moelleux velours

  Et lui tint ce pieux  discours :

  « Or donc, Seigneur Chacal, vous  êtes ici chez vous !

 Profitez, dégustez, sachez combien je voue

D'amour à la  concorde nouvelle entre nous !

 Hélas, que j’ai  de torts envers vous et les  vôtres,

Et comme je voudrais que le passé fût  autre !

 Reprenez de ce rôt, goûtez à tous les  mets,

 Ne laissez un iota de ce que vous  aimez ! »

L'interpellé eut très à cœur

D'obéir à tant de candeur.

 La gueule entière à son affaire,

 il fit de chaque plat désert

Cependant que son hôte affable

 Se bornait à garnir la table.

Puis, tout d'humilité et la  mine contrite,

  En parfait comédien, en fieffée chattemite,

 il dit : « Mais, j'y songe, mon cher, 

Nous voici faisant bonne chère

 Quand je sais là, dehors, ma pauvrette famille :

 Mes épouses, mes fils, mes neveux et mes filles,

Mes oncles et mes tantes que ronge la disette, 

Toute ma  parentèle tant nue que maigrelette. 

Allons-nous  les laisser jeûner  jusqu'au matin ?

 - Certes non ! »  répliqua, prodigue, le matin,

 Qui se leva, ouvrit, et devant qui passèrent

Quarante et un chacals parmi les moins sincères.

Sans tarder cliquetèrent les prestes mandibules 

 Des grands et des menus, même des minuscules.

Ils avaient tant de  crocs, de rage et d'appétit,

Ils mangèrent si bien que petit à petit

Les vivres s'étrécirent comme peau de chagrin

Jusqu'à ce qu'à la fin il n'en restât plus rien. 

Ce que  voyant, l'ingrât bondit :

-Ah ça, compère, je vous prédis

 Que si point ne nous nourrissez

Et tout affamés nous laissez

tandis que vous allez repu,

 La trêve entre nous est rompue ! »

   Ayant alors, quoi qu'il eût dit,

 Retrouvé forces et furie,

 Il se jeta sur son mécène, 

 Et en une attaque soudaine 

 il lui récura la toison, 

  Aidé de toute sa maison. 

 Puis, le voyant à demi-mort,

 De chez lui il le bouta hors. 

 Et l'infortuné crie encore 

  « La peste soit de mon cœur d'or !  » 

  

 Retenez la leçon, peuples trop accueillants  : 

 À la gent famélique, point ne devez promettre.

 Ces êtres arriérés, assassins et pillards 

  marchent en rangs serrés sous le vert étendard.

  Vous en invitez un, l'emplissez d'ortolans, 

 Et c'est jusqu'à vos clefs qu'il vous faut lui remettre.

  

                     JEAN DE LA FONTAINE

 

1671 ce n'est pas d'hier !

 

Toute allusion avec quelques événements

 que ce soit ne serait que pure coïncidence !

 

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G
Hélas !<br /> Triste vérité à méditer mais pas trop longtemps avant l'action.
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S
Cela prouve que rien n'a changé, les peuples belliqueux et mentalité moyenâgeuse existeront toujours, bon courage pour le reconfinement! Bises
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